Vers un centre d’art durable : l’exemple de l’eac.


Face aux impératifs environnementaux comme aux pressions économiques, de plus en plus de lieux dédiés aux arts visuels amorcent, quand ils ne l’ont pas déjà résolument engagée, une réflexion allant dans le sens de la « transition écologique1 ». Depuis fin 2021, l’Espace de l’Art Concret, centre d’art contemporain labellisé d’intérêt national situé à Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, formalise sa démarche écoresponsable.

Le cadre bucolique offre un espace de fraîcheur bienvenu en cette journée d’été caniculaire. Créé en 1990, l’eac. déploie ses activités dans un château du XVIe siècle et deux bâtiments contemporains, au sein d’un parc public réaménagé par le jardinier-planétaire Gilles Clément2. À l’édifice historique a été adjointe dès 1998 une construction dévolue aux ateliers pédagogiques, avant l’inauguration en 2004 d’un bâtiment vert vif, signé des architectes suisses Gigon Guyer. Celui-ci a été conçu pour accueillir une collection majoritairement issue d’une donation, la Donation Albers-Honegger, comptant près de 700 œuvres inscrites à l’inventaire du Centre national des arts plastiques. Cette mission de conservation et de valorisation d’une collection en dépôt, si elle est intimement liée à l’histoire de l’eac., revêt une dimension exceptionnelle dans un projet de centre d’art.

En septembre 2021, la directrice de l’eac., Fabienne Fulchéri, rencontre Laurence Perrillat lors d’un événement organisé par le réseau d’art contemporain territorial BOTOX(s). Établie à Toulon, cette dernière a cofondé courant 2020 le collectif Les Augures, qui vise à accompagner les acteurs du monde culturel dans leur transition écologique. Laurence Perrillat, bien que très sollicitée, n’a pas encore œuvré à l’accompagnement « complet » d’un centre d’art, de la sensibilisation des équipes et de la pose d’un diagnostic, à l’élaboration d’une stratégie adaptée avec un plan d’actions dans la durée. La démarche dans laquelle l’eac. souhaite se lancer lui offre donc l’opportunité d’expérimenter un format complet tout en étant resserré, adapté en cela au budget qu’une structure de ce type peut dégager. De fait, comme Fabienne Fulchéri me le dira, « l’exemple de l’eac. a la vertu de montrer que même un lieu de taille moyenne peut passer à l’acte, qu’il est possible de travailler à toutes les échelles. » Autre constat : d’emblée, la directrice prend soin d’impliquer son équipe comme sa gouvernance – car si un impératif à la réussite d’une démarche de transition est pareillement souligné par Laurence Perrillat, c’est celui de la nécessaire implication de toutes et tous, et non d’une seule personne. L’eac. a de plus l’atout de pouvoir compter sur le soutien de la municipalité de Mouans-Sartoux, sensible à la question écologique3.

L’année 2022 est ainsi marquée par des séances de travail régulières et, très vite, une mise en œuvre concrète. Le centre d’art a structuré sa démarche en cinq axes4, que l’on peut aussi saisir selon trois grandes entrées : les actions en interne, les actions envers les publics, et la mise en adéquation avec la programmation. Dans le détail, le plan qui est dessiné sur quatre années (2022-2025) englobe de nombreux points, d’une politique d’achat responsable et éthique à la gestion des déchets, des actions menées pour réduire les consommations d’énergie et de ressources (la question bâtimentaire étant un volet en soi) à l’importance de l’inscription au sein des dynamiques de réseaux professionnels. Enfin, dressant le constat de l’importance primordiale de la collecte de données (« Quand on arrive à avoir des informations précises, on obtient des avancées »), Fabienne Fulchéri conclut avec optimisme qu’il existe toujours des leviers à actionner pour initier un changement.

Aux initiatives individuelles (d’autres centres d’art, dont le Palais de Tokyo à Paris et la Maison des Arts de Malakoff, ont défriché le sujet) peut désormais s’ajouter une réflexion plus globale. Ainsi, grâce à une subvention exceptionnelle délivrée par le ministère de la Culture fin 2022, DCA – Association de développement des centres d’art contemporain, pilote en cette année 2023 le diagnostic environnemental de cinq centres d’art contemporain, avec l’expertise des Augures5. Les conclusions et préconisations de l’étude seront partagées et discutées au sein du réseau des centres d’art. Formulons ici le souhait que cette démarche rayonne bien au-delà, et apporte sa pierre à une stratégie à l’échelle du secteur culturel.

1. En suivant une récente publication du Syndéac, on aura tendance à préférer au terme de « transition » celui de « mutation », qui sous-entend un changement de cadre plus global.
2. Ce réaménagement datant de 2004 a été réalisé dans le cadre d’une commande publique de la Ville et a bénéficié de plusieurs aides, dont celles du ministère de la Culture. En 2022, Gilles Clément a de nouveau été sollicité pour une extension du parc.
3. La commune, qui compte 10 000 habitants environ, multiplie les distinctions dans le domaine. Elle est, début 2023, la première à obtenir le label Ecocert pour son engagement en faveur d’une cuisine entièrement locale et bio dans les cantines des établissements scolaires.
4. Ces cinq axes sont détaillés dans le rapport d’activité 2022 de l’eac, accessible en ligne
5. Les cinq centres d’art bénéficiaires étant : le Crédac (Ivry-sur-Seine), le CCC OD (Tours), la Criée (Rennes), le Centre International d’Art du Paysage (Île de Vassivière), la Maison des Arts Georges & Claude Pompidou (Cajarc).
 
In : revue Culture & Recherche, dossier «Création artistique et urgence écologique», n°145, automne-hiver 2023

La revue est téléchargeable sur le site du ministère de la Culture

L’Espace de l’art concret

 

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