Changement radical de décor pour Paris Internationale
Fondée en 2015 comme une alternative au modèle prédominant, la foire d’art contemporain nomade au statut associatif, créée à l’initiative de plusieurs galeries, s’est imposée comme un rendez-vous incontournable par l’originalité de son positionnement et la qualité de sa sélection. À l’occasion de sa sixième édition et dans un contexte imposant la navigation à vue, il faut reconnaitre à l’équipe d’avoir fait montre d’une clairvoyance à toute épreuve pour maintenir le cap, tout en réinventant pièce à pièce l’embarcation.
Exit donc les vertigineux paquebots des précédentes éditions, tout comme le principe des stands distincts. Paris Internationale investit cette année un espace plus réduit, les murs laissés vacants par une supérette près des Grands Boulevards, et invite la commissaire d’exposition Claire Le Restif, directrice du Crédac à Ivry-sur-Seine, à penser un accrochage collectif. En provenance de 14 pays, 26 galeries – contre 42 en 2019 – sont présentes, dont 3 pour lesquelles c’est une première : Fanta (Milan), Wilfried Lentz (Rotterdam) et la FitzPatrick Gallery (qui annonce un nouvel espace parisien au printemps 2021). En imaginant un format n’exigeant pas la présence physique des galeristes, les co-directeurs Silvia Ammon et Clément Delépine remportent ainsi le défi de maintenir une bonne participation internationale. Depuis ses débuts, la foire soutient par ailleurs la création en conviant à titre gracieux des lieux indépendants ou autogérés par des artistes. C’est en 2020 le cas de SISSI Club (Marseille), Cherish (Genève) et Pauline Perplexe (Arcueil).
Plutôt que d’endosser le rôle de commissaire, Claire Le Restif pointe avec humour qu’elle s’est glissée dans celui du « tapissier », soit la figure orchestratrice de l’accrochage des œuvres aux murs des Salons parisiens du XVIIIe siècle. Il s’agissait en effet de parvenir à faire dialoguer les œuvres choisies par les exposants, chacun étant incité à proposer celles de deux artistes. À l’exception d’une sculpture en acier d’Amitai Romm (Veda) et pour des raisons pratiques évidentes, la plupart sont de dimensions relativement modestes. SuperSalon n’aura rien volé aux différents sens possibles de son titre, tant la présentation qui en résulte est stimulante, dans le détail de la plupart des œuvres comme dans l’ensemble des liens et rebonds qui se dessinent entre elles. On retiendra notamment les belettes lustrées de Zoë Williams via la galerie Ciaccia Levi (anciennement Antoine Levi) et les peluches atomisées en terre cuite d’Olivier Millagou via Sultana, qui présente également une œuvre sur papier particulièrement forte de Pia Camil. Issue d’une série réalisée en 2020, en situation de confinement, elle ouvre à l’exploration la plus intime, quand d’autres ont tenté le partage d’expérience, d’un bout à l’autre du globe (Hikaru Suzuki & Franca Malefetti, via Kayokoyuki). Sans surprise ou par tropisme personnel, l’on pourra retenir plusieurs œuvres sensibles à l’époque, au règne de la contamination ou de l’hybridation, d’Hamish Pearch (Sans titre 2016) à Camille Bernard (SISSI Club). Entre autres œuvres remarquables, l’installation d’Ana Jotta (Greengrassi), l’ensemble sur papier d’Eva Löfdahl (Veda), les assemblages de Laura Aldridge (Koppe Astner), les matelas cousus de soie d’Anne Bourse (Crèvecoeur) et la robe de chambre des artistes de Pauline Perplexe, qui accueille dans le confort de ses poches une exposition dans l’exposition.
Une dernière nouveauté – non des moindres – de cette édition réside dans le site Internet entièrement repensé et d’une surprenante richesse, consultable pendant la période d’ouverture de la foire. Bien plus qu’une plateforme de vente en ligne pour remédier aux voyages empêchés, celui-ci permet notamment aux exposants de proposer des contenus inédits – beaucoup ont joué le jeu – et aux visiteurs de découvrir ou de redécouvrir à loisir les œuvres, y compris vidéos.
Visuel : vue de SuperSalon, Paris Internationale 2020. Photo Margot Montigny
In The Artnewspaper, 22 octobre 2020
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