Communiqué de presse - Virginie Barré, Les formes claires 


Galerie Loevenbruck, Paris, septembre 2018

En 2012, Virginie Barré, accompagnée de Claire Guezengar et de Florence Paradeis, a écrit et réalisé son premier film, un court-métrage intitulé Odette Spirite. Née l’année de la sortie en salles de L’Enfant sauvage, de François Truffaut, l’artiste n’a jamais fait mystère de son goût pour le cinéma : depuis ses débuts, l’ensemble de sa production plastique en porte l’empreinte. Mais passer derrière la caméra a marqué un tournant dans son travail, notamment dans son rapport à l’objet. Dès Odette Spirite, les objets sont apparus comme une dimension essentielle de ses films, à la fois signes abstraits et porteurs de sens, accessoires et acteurs. Revenant pour la plupart de film en film, comme des motifs, ils en dessinent le territoire. Beaucoup sont avant tout d’usage ; objets familiers et domestiques, achetés neufs ou chinés, ils sont à peine, si ce n’est du tout, transformés. À l’inverse, d’autres sont entièrement créés à l’atelier. Des significations, voire des dénouements, jaillissent de leurs associations particulières à l’écran. La part la plus connue jusqu’ici de la pratique de l’artiste – mannequins mis en scène et dessins aux traits fins – était déjà semblablement régie par ces principes, qui sont ceux du montage. Depuis, un bouleversement s’est toutefois produit : perturbant les repères catégoriels, troublant les frontières entre rêve et réalité, la caméra a insufflé une âme à des objets que l’on pensait inertes. À tort…

Courts et traversés par des thématiques chères à leur auteure, tels l’enfance, le rêve, l’ailleurs, la mort ou le travestissement, les films de Virginie Barré relèvent de différents registres. Certains, comme La Forme des rêves (2013) et Les Vacances d’avril (2016), traduisent une approche intime, en prise quasi directe avec la vie. D’autres ont nécessité la mise en place d’une logistique de tournage et affirment un penchant joyeux pour les collaborations et le collectif. Ainsi d’une première saison de sept épisodes de la série La Cascadeure (2018), qu’elle vient de finaliser, avec Romain Bobichon et Julien Gorgeart, ou du Rêve géométrique (2017), ici projeté pour la première fois à Paris. Ce dernier joue du transport onirique de l’une de ses deux filles, filmée endormie sur son drap de plage. Une procession s’organise bientôt : il y a là toute une communauté costumée dont les membres, portant bannières, parasols ou cerceaux vivement colorés, entreprennent de se mouvoir. Leurs déplacements chorégraphiés, les compositions qu’ils orchestrent avec leurs gestes, leurs corps, esquissent une nouvelle espèce d’assemblage de formes, bien vivantes. Quant aux jeux d’ombres créés par leurs silhouettes, à coups de larges aplats sombres sur l’étendue sableuse, ils font songer à des dessins inédits de l’artiste.

Les installations, les sculptures et les dessins de Virginie Barré anticipent, traversent ou prolongent désormais l’univers de ses films. À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Loevenbruck, nous découvrirons leurs affiches, ainsi que deux mannequins, Joséphine et Simone, conçus après (ou plutôt, d’après) Le Rêve géométrique. Parallèlement à ses premiers films, un nouveau type d’installations abstraites est apparu dans le travail de l’artiste. Exposée à la galerie, La Table japonaise (2018) met en scène l’association de divers objets. Les choix qui ont présidé à leurs agencements, la rythmique qui est la leur, concourent à l’impression d’une narration. Or, cette organisation que l’on devine créatrice de sens est, là encore, comparable au conflit dialectique régissant le processus de montage. Initiée en 2009 et déjà sous-tendue par une forte curiosité pour le Japon et ses arts traditionnels, la série des « Charades » en annonçait d’ailleurs certains traits, à travers la combinaison d’éléments hétéroclites en de petits modules suspendus.

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