Ji-Min Park, catalogue du 62e Salon de Montrouge, 2017


« On ne se souvient pas, on réécrit la mémoire, comme on réécrit l’histoire. »
Ji-Min Park semble avoir fait sienne cette pensée empruntée au Sans Soleil de Chris Marker. Ses œuvres, qui prennent principalement la forme d’installations, de peintures et de vidéos, naissent de l’exploration de son vécu et des émotions qu’il charrie, avec pour objectif d’étendre ce ressenti intime à la dimension de l’histoire collective. L’artiste puise les sujets de ses peintures parmi deux corpus photographiques distincts : d’une part des clichés liés à des moments simples et heureux de son enfance en Corée du Sud, la figurant, seule ou avec d’autres personnes ; d’autre part des photographies dont elle est l’auteure, prises au cours de moments anodins de sa vie actuelle, en France. Soit de l’autrefois le plus bouleversant au quotidien le plus anecdotique. Se plongeant dans la puissance signifiante de ses images-sources, jamais montrées, Ji-Min Park en extrait des détails qu’elle transpose sur la toile en les agrandissant. Ce changement d’échelle participe d’une entreprise de « dé-figuration », accentuée par des jeux d’effacements successifs et par l’emploi, à certains endroits, d’une peinture à l’huile très diluée. L’évanouissement de la représentation dans la matière même semble suggérer une forme de délitement de la mémoire, le geste pictural élaborant ainsi une dialectique de la déconstruction et de la reconstruction du mille-feuille de sens présent à la surface de chaque image-source. Au Salon de Montrouge, ce passage de la figuration d’évènements personnels à la création de formes abstraites, dégagées de leur contexte autobiographique, s’actualise également à travers l’éclatement et la mise en volume d’une image au sein de ce qui pourrait s’apparenter à un « autel aux souvenirs morts ». Empruntant sa forme au Bong An Dang coréen, un columbarium accueillant les urnes cinéraires et certains souvenirs placés en hommage aux défunts, l’installation présentée met en relation plusieurs détails peints avec des objets inspirés d’une photographie de son enfance.

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Salon de Montrouge


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