Camille Brée, catalogue du 62e Salon de Montrouge, 2017



Le travail de Camille Brée s’incarne en formes simples et minimales, en propositions discrètes qui tendent à se faire écho et à former des ensembles. Il s’agit le plus souvent d’œuvres in situ, dont la création appelle un temps d’immersion au sein de l’espace de monstration, dans la perspective d’en saisir les différentes qualités architecturales, lumineuses, etc. La démarche de l’artiste, porteuse d’une profonde réflexion sur les conditions d’émergence du visible, prend son origine dans l’image. De précédentes œuvres – des photographies répétant des étendues célestes ou désertiques aux vidéos contemplatives À travers (2013) et Lumière Fantôme (2014) – conservent la mémoire d’un détachement progressif de tout sujet, de toute narration, au profit de l’engagement dans une pratique attentive au seuil et aux conditions mêmes d’émergence des formes. Essentielle, la recherche est celle d’un autrement de la représentation et de la perception : « Il ne s’agit plus de montrer quelque chose mais de révéler ce qui montre, et ainsi de tenter de s’approcher au plus près de ce qu’est le voir. » Les œuvres présentées à Montrouge répondent à cette quête. Le fond (2016), un grand rectangle de vernis transparent peint à même la cimaise, ouvre une « zone de sensibilité active » ; il figure la surface en captant subtilement les regards, tandis que Les éléments lucides (2017) marquent fragilement l’espace. Matérialisés à l’aide de projecteurs-cadreurs, outils typiques de la mise en lumière muséale, Les éclats (2017) et L’Étrangère (2017) génèrent une impression troublante, la sensation diffuse de se trouver en présence d’un phénomène insaisissable, face à la réalité d’une absence. Provoquant des évènements visuels dans un rapport fondamental à l’espace et au temps, les œuvres de Camille Brée créent des brèches perceptives et suscitent la spéculation sur la nature du visible (ce qui se donne à voir). À travers elles s’ouvre une réalité composée de jeux de transparence, d’ombre et de lumière, où vibrent les notions d’écarts et d’inframince, chères à Duchamp.

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Camille Brée


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