Wolfgang Laib, The Beginning of Something Else


Galerie Thaddaeus Ropac, Paris
Du 8 septembre au 14 octobre 2017


Pour Wolfgang Laib, tout commence en 1973 avec la réalisation de son premier Brahmanda, une sculpture dont le nom signifie « œuf cosmique » en sanskrit. Féru de culture orientale, le jeune homme revient alors d’un séjour de plusieurs mois en Inde. L’émergence de la forme ovale, taillée trois mois durant au ciseau et au marteau dans le marbre, prend valeur d’expérience fondatrice ; ses études de médecine achevées, il consacrera sa vie à l’art. Quarante-cinq années ont passées, et l’artiste allemand poursuit une démarche proche de l’ascèse. À partir de matériaux naturels à forte valeur symbolique, tels le pollen, la cire d’abeille, le riz, le lait ou le marbre, il créé des œuvres dont le pouvoir d’attraction impressionne. Fruits de l’inlassable répétition d’un corpus restreint de motifs élémentaires, celles-ci rendent compte d’une profonde réflexion sur le temps, l’impermanence des choses et l’éternel retour du même. Une exposition personnelle chez Thaddaeus Ropac, à Paris, en offre la démonstration sur deux étages.

Se sont d’abord six nouveaux Brahmandas en granit noir qui accueillent le visiteur. Taillés puis polis, frottés à l’huile et enduits de patine, ils sont disposés en triangle, couchés au sol. Il faut pénétrer l’espace sous verrière pour dépasser l’illusion première, celles de formes sphériques, et prendre la mesure de l’allongement ovoïde. Epurées et mystérieuses, ces sculptures paraissent mues par une puissance interne. Leur agencement, spectaculaire et simple à la fois, rappelle le sens spatial de certains jardins secs japonais. Aux murs, vingt-huit pastels sur papier marouflé décrivent en blanc sur blanc toutes les phases d’une lunaison ; flottant, parfois accompagné de citations extraites des Upanishads ou du Tao Te Ching, l’astre couronne des paysages de petits monts. L’installation, dans son ensemble, constitue un de ces « énoncés plastiques invitant à la médiation1 » dont Laib a la science. Non religieux mais volontiers mystique, cherchant à incarner à travers une forme simple, une aspiration universelle, il a parfois été comparé à Beuys, dont plusieurs œuvres sont présentées au troisième niveau de la galerie. Ici, on pense surtout à une filiation plus directe, à Brancusi et à son attachement constant à saisir « l’essence cosmique de la matière ».

Entre cet « œuf » emprunté à la cosmologie hindoue – œuf dont on trouve une trace similaire dans la plupart des récits originels – et la lune, symbole du renouvellement permanent, l’installation est travaillée par nombre de références culturelles et jeux formels. Pour Laib, faire dialoguer cette frise, inspirée par la cérémonie de remise du Praemium Imperiale qui a couronné sa carrière en 2015, avec la forme dont il a fait la base de sa pratique, s’inscrit aussi au sein d’un principe de création résolument cyclique. Au deuxième niveau, un accrochage orchestré autour de ses grandes obsessions formelles – la figure du triangle, principalement – offre, en ce sens, un complément bienvenu. 

In : Artpress, num. 449, nov. 2017

Harald Szeemann, Wolfgang Laib, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1986

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