Atelier Van Lieshout, Domestikator


Présentée comme un « hommage » aux capacités de l’humain à dominer son environnement, Domestikator est une œuvre provocante, une installation architecturale liée à un projet d’envergure développé par l’Atelier Van Lieshout (AVL). Sous l’intitulé générique de New Tribal Labyrinth, le néerlandais Joep Van Lieshout et son atelier travaillent en effet, depuis 2010, à la création d’une future société tribale imaginaire, en produisant un ensemble conséquent d’architecture-sculptures et d’objets adaptés à son fonctionnement. Le constat initial pourrait se résumer comme suit : la délocalisation de l’industrie et la concentration de l’agriculture en méga-fermes ont coupé les sociétés occidentales contemporaines du travail de la matière. En réaction, l’économie de New Tribal Labyrinth repose sur un système de production nécessitant une importante énergie humaine, et l’industrie lourde, comme l’agriculture, ont été replacés au cœur de la cité. Enfin, les rituels étant essentiels au nouveau mode de vie, la tribu trouve en Domestikator son temple totémique.

Porteur de thèmes récurrents de la pratique de l’AVL, New Tribal Labyrinth s’inscrit à la suite de précédents grands projets multidisciplinaires menés collectivement depuis 1995. Ainsi de l’expérience autarcique AVL-Ville en 2001 sur le port de Rotterdam, ou de la très ambivalente Slave City (2005-2008), dont l’univers concentrationnaire respecte la neutralité carbone. De fait, les utopies urbaines, sociales et économiques de l’AVL basculent souvent dans des univers où les valeurs morales ont vrillées, et où certaines logiques sont poussées à l’extrême. En ce sens, le tabou figuré par Domestikator peut se faire le révélateur d’une relation à la nature, telle qu’elle a actuellement cours, extrêmement problématique. Comme l’Atelier le souligne sur son site, à l’ère des élevages en batterie, pourquoi traiter un animal comme un humain toucherait à l’indicible, tandis que traiter un animal comme une ressource pour la production industrielle relèverait de la norme ? Grinçant.

In : Artpress, Cahier Fiac Hors les murs, Num. 449, nov. 2017

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