Salon de Montrouge : une édition de choix



La sélection officielle de la 61e édition du Salon de Montrouge, qui a ouvert mercredi 4 mai, réunit les œuvres d’une soixantaine d’artistes au sein d’un parcours repensé par la nouvelle direction artistique de l’événement.

En 2015, passées les festivités du soixantième anniversaire de son salon annuel dédié à la création contemporaine émergente, la Ville de Montrouge n’avait pas souhaité reconduire le contrat de Stéphane Corréard, arguant d’un désir de renouveau. À sa tête depuis 2009, le commissaire avait pourtant su revitaliser la manifestation avec un enthousiasme communicatif, réussissant le pari d’en faire à la fois un rendez-vous attendu des professionnels de l’art, et un succès public. Cette année, sous la houlette de ses successeurs, Ami Barak, directeur artistique, et Marie Gautier, directrice artistique associée, la présentation personnelle de chaque travail (via la compartimentation modulaire de l’espace d’exposition) a fait place à un accrochage collectif. Avec l’ambition de proposer de grandes pistes de lecture aux visiteurs, le parcours a été structuré en cinq thématiques conceptualisées à partir de l’étude des dossiers retenus : la subjectivité au sein d’un monde globalisé (« Chez moi, chez toi, chez les autres »), les regards portés sur l’environnement (« Raconte-moi la planète »), l’approche critique de l’Histoire et de l’actualité (« Ironie de l’histoire »), le questionnement formel propre à une génération (« La Veille des formes ») et l’exacerbation des récits personnels (« Je t’aime moi non plus (à la folie, pas du tout) »). Les artistes dont les œuvres, sélectionnées en accord avec la direction artistique et en lien avec ces thématiques, sont parfois présentées en divers endroits, souffrent-ils d’une visibilité réduite ? Cela ne nous est pas apparu ; au contraire, certaines démarches particulières trouvent la liberté de s’épandre dans un espace dont la saturation demeure toutefois gênante. Quant à la réception, sans que les limites des différentes sections soient vraiment marquées, les résonnances qui se tissent de manière sensible entre certaines œuvres minimisent l’impression cacophonique inhérente à ce type de rassemblement. Il est probable que sur ce point, la scénographie de Ramy Fischler et Vincent Le Bourdon, moins invasive que celles imaginées par matali crasset ces dernières années, apporte une respiration salutaire. Le dialogue formé par les œuvres de Camille Llobet, Violaine Lochu et Anne Le Troter, toutes trois explorant de manière passionnante différentes formes de langages, ou la réunion des œuvres les plus attentives aux accidents de l’histoire récente, comme celles de Marwan Moujaes, Romain Kronenberg et Anna López Luna, constituent les rapprochements les plus réussis de ce parcours.

Cette édition offre surtout une vision différente, plus resserrée, de la création émergente actuelle. Si les prises de risques sont moindres, les profils atypiques ayant passés leur tour cette année, il en ressort que les propositions sont, dans l’ensemble, d’un niveau remarquable. Outre les œuvres des lauréates des trois principaux prix décernés par le jury présidé par Alfred Pacquement – le Grand Prix étant remporté par Anne Le Troter, le Prix des Beaux-Arts de Paris par Clarissa Baumann, et le Prix du Conseil des Hauts-de-Seine par Anne-Charlotte Finel – les démarches (souvent, par ailleurs, déjà repérées) sont nombreuses à susciter l’intérêt. L’installation, la sculpture – assemblage d’objets, travail de la céramique - et la vidéo dominent au sein d’une cartographie de veine plutôt conceptuelle, où la peinture figurative est reléguée en terres plus lointaines. Dans ce dernier domaine, les peintures aux matériaux étranges et aux titres exquis (exemple : La virginité n’est pas un contraceptif. Comète en poissons) de Gaia Fugazza offrent une des découvertes les plus originales de ce salon. À signaler, également, la présence réjouissante d’Aurélie Ferruel & Florentine Guédon, et celle, prometteuse, d’un autre duo, les moutaincutters. Un panorama, parmi d’autres possibles, où plusieurs artistes, dont Tiphaine Calmettes, Mathieu Dufois ou Mathilde Lavenne, développent une approche romantique nourrie de références, cherchant à inscrire dans la matière ce qui relève de l’impalpable ou de la plongée intérieure : affects, souvenirs et impressions fugaces. La visite se complète, à l’étage, avec « Le Cabaret au Salon », une exposition collective réunissant des artistes contemporains confirmés autour du centenaire de l’irruption de Dada au Cabaret Voltaire, à Zürich.

In : Le Quotidien de l’Art, n°1060, 08 mai 2016

← Retour