Communiqué de presse - Jennifer Boysen
Galerie Torri, Paris, décembre 2015
Le travail de Jennifer Boysen (née en 1976 à Los Angeles, où elle vit et travaille) oscille entre peinture et sculpture, se jouant des limites de ces catégories artistiques comme de toute réception trop immédiate, au profit d’une expérience sensorielle et méditative, inscrite dans la durée.
Monochromes et peintes sur toile, les œuvres les plus récentes de Jennifer Boysen se distinguent d’abord par l’originalité des structures qui leur servent de châssis, des objets qu’elle a trouvés ou construits, et qui présentent une certaine variété de formes, de dimensions, et de matériaux – bois, cuivre, acier, aluminium. La toile tendue dont elle recouvre ces formes indubitablement sculpturales, en un double mouvement d’occultation et de révélation, lui permet ensuite de configurer le champ de la peinture. L’artiste américaine peint au rouleau depuis une quinzaine d’années, selon un processus de travail dont la régularité confine à l’obsession. À la recherche d’une technique plus naturelle, elle a progressivement remplacé la peinture industrielle à l’émail qu’elle avait coutume d’employer par une peinture a tempera, mêlant une variété de pigments traditionnels ou non traditionnels à un liant, le plus souvent l’œuf. Les étendues monochromes de ses œuvres sont ainsi portées par la matité propre à la tempera, la présence sensuelle de la matière peinte, riche et veloutée, enchérissant celle, ancrée dans le réel, des structures.
Si, dans la lignée des Shaped Canvas initiées par Frank Stella au début des années 1960, la forme des œuvres est directement déterminée par leur support, les courbes, les angles, voire les bosselures qui affleurent à la surface des toiles tendues les éloignent de la simple bi-dimensionnalité. Accrochées ou, parfois, adossées au mur, elles partagent résolument l’espace physique, tridimensionnel, de leur spectateur. Ne relevant ni de la peinture, ni de la sculpture, héritières des différents mouvements du Minimalisme et du Post-Minimalisme dont elles reprennent certains traits conceptuels et esthétiques de manière inédite, les œuvres les plus récentes de Jennifer Boysen sont par ailleurs issues d’une progression interne à sa pratique, dont le récit à rebours rend compte de la permanence des qualités intrinsèques. Ainsi des peintures sur toile de format traditionnel, mais de tailles imposantes, intitulées Sans titre – comme la majeure partie de la production de l’artiste – et réalisées au tout début des années 2010. Travaillées à la tempera à l’œuf, mêlant des pigments, de l’encre de teinture, du charbon ou de la poussière de marbre, toutes paraissent jouer avec l’apparition ou la disparition d’une image dans les profondeurs de la matière. Leurs surfaces atmosphériques évoquent une étendue maritime, un ciel délavé par l’orage, ou l’aspect d’une plaque d’acier vieillie par les intempéries. À travers la progressive dissolution de l’image, ces œuvres conservent la trace d’une transition, lente, de la figuration vers l’abstraction, tout en révélant l’influence fondamentale de la nature dans l’œuvre de l’artiste. Une œuvre directement peinte sur un objet métallique aux formes courbes (Sans titre, 2011), une toile peinte montée sur un châssis convexe (Sans titre, 2012) ou une œuvre sur toile (Sans titre, 2013) montée sur un des premiers objets trouvés, et dont la surface peinte évoque la rouille, portent par ailleurs en elles les germes des développements à venir. À partir de matériaux et de gestes empruntés tant à la sculpture qu’à la peinture, Boysen conçoit depuis des peintures sculpturales à la tempera sur toile tendue invitant à la contemplation, porteuses d’une certaine puissance émotionnelle et d’un récit subjectif du monde.
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