Communiqué de presse - Emmanuel Van der Meulen, Facta Non Verba


Galerie Allen, Paris, janvier 2015


La Galerie Allen inaugure l’année 2015 par une exposition personnelle de l’artiste français Emmanuel Van der Meulen (1972, vit et travaille à Paris).

Accrochées à la lisière du plafond, quatre peintures sur toile libre déroulent leurs dimensions monumentales jusqu’au plancher de la galerie, sur lequel elles courent encore, s’avançant de quelques centimètres à nos pieds. Isolé sur un mur qu’il tient pourtant entièrement, un tableau de petite taille rayonne à hauteur de regard. Différentes variations circulaires inscrites au sein de l’espace pictural rectangulaire, vertical, marquent une forme de permanence visuelle entre ces œuvres, dévoilées pour la première fois en France à l’occasion de Facta Non Verba, l’exposition personnelle d’Emmanuel Van der Meulen à la Galerie Allen.

Les quatre compositions peintes sur toile libre appartiennent à une série que l’artiste a peint à plat, à même le sol de l’atelier occupé lors de sa résidence à la Villa Médicis, en 2012 – certaines en conservent l’empreinte directe, la résille du sol carrelé s’étant imprimée en creux dans la matière tissée, alourdie par la peinture. Toutes sont, de fait, intimement liées à l’architecture et à l’histoire de la demeure romaine où elles ont été imaginées par le peintre, dans le cadre d’un projet plus large développé en communauté d’esprit avec la graphiste française Fanette Mellier. L’ensemble, intitulé Cosmica Sidera, déplie les références aux quatre lunes de Jupiter, satellites naturels dont Galilée dédia la découverte à celui qui fut son élève, Cosme II de Médicis. Renouant en un sens avec la tradition des grands décors éphémères peints pour l’extérieur, au service de l’entrée triomphale d’un souverain, par exemple, et dont la vogue est notablement renouvelée par l’influence antique à la Renaissance, Emmanuel Van der Meulen a pensé ses peintures sur toile libre, entre monumentalité et maniabilité du dispositif, pour les arcades en enfilade du jardin de la Villa. Ou plutôt, comme le soulignait Philippe Dagen à propos d’une exposition récente de l’artiste au Château d’Eau, à Toulouse, « il a laissé l’architecture lui conseiller ses formats. » (« Derrière l’abstraction une vision mystique : Emmanuel Van der Meulen à la galerie du Château d’eau », Le Monde, 22 mai 2013)

« Chaque œuvre comme un monde en soi. »

Ni tableau, ni drapeau, les toiles suspendues oscillent entre pesanteur et légèreté. Les photographies de l’installation en plein air témoignent du dialogue avec le cadre architectural où elles ont été visibles le temps d’une semaine. Au-delà de la richesse historique des relations entre peinture et architecture, les Cosmica Sidera éclairent l’intérêt de l’artiste pour les divisions possibles d’une surface, l’inscription d’une forme géométrique en une autre, ou encore les problèmes de délimitations entre le format d’une toile et le mur, cette interrogation permanente de l’espace, peut-être de l’instant, où une peinture s’achève. Les accords – désaccords ? – chromatiques entre les fonds unis et les cercles ou les disques, comme en suspension, qui s’en dégagent, caressent volontairement les limites du mauvais goût, confrontant allégrement des teintes rose chair, orange corail, bleu turquoise, à des nuances plus raisonnables, noires, grises ou marrons. Avec pour effet certain de provoquer la surprise, si ce n’est de dessiller le regard.

« Le tableau comme une expérience du visible. »

Or, c’est bien de l’acte de voir, plus que de savoirs, dont il est question. Dès les premières pages de son Récit d’un voyage à Assise paru en 2013, Emmanuel Van der Meulen, en méditation sur les pas de Saint François, s’interroge : « Le regard se suffit-il à lui-même, ou faut-il effectivement savoir quelque chose ? ». À peine plus loin, se souvenant de sa rencontre avec Mondrian : « Cela a été peint visiblement. Visiblement, c’est peint. » L’emploi de formes géométriques simples est, pour lui, un moyen donné au regardeur pour en venir à l’expérience de la peinture en elle-même. Aller au-delà de la reconnaissance de ce qui est représenté pour interroger la présence de la surface peinte, cette surface qui porte l’empreinte du sol, des larges coups de pinceau, le stigmate appuyé de la pointe du compas. En somme la trace du faire, la peinture dans ce qu’elle de plus concret. Car si la peinture n’est pas la réalité, elle en est matériellement le fruit.

« L’art naît dans l’étonnante banalité du quotidien et des matériaux : se nourrir, dormir, choisir du bois, de la toile, fabriquer, mélanger des couleurs, laver ses pinceaux. »

Le tableau de petite taille montré seul, sur un mur isolé, appartient à un ensemble d’œuvres à part dans la pratique de l’artiste, réalisées à partir de chiffons de travail montés sur châssis. Sur un fond maculé de diverses taches, un disque plein, densément noir, semble sourdre du tissu même ; la peinture, en s’infiltrant entre les fibres de coton, a fait vibrer les contours du disque avant de sécher. Comme si la couleur avait sué, voire saigné. À l’instar de la série des Chronochromies, qui ont pour point de départ le réemploi de couleurs restant après un tableau, faire œuvre à partir d’un chiffon de travail revient à affirmer que la peinture est une pratique quotidienne, une organisation de la matière à partir d’une réalité vécue. Comme l’écrivain, dont les notes, une fois publiées, témoignent de la continuité de la vie et de la pensée, la peinture de l’artiste ne se limite ni ne s’achève aux bords du tableau.

« L’image peinte n’est pas finie tant que personne ne l’a regardée. »

Les toiles libres des Comica Sidera sapent le rapport d’autorité qu’un tableau de format vertical, allongé, et de dimensions semblables pourrait imposer. Conçues dès l’origine comme des œuvres aisément transportables, essentiellement nomades, leur présentation à la Galerie Allen instaure un rapport de proximité inédit avec le regardeur dont elle partage l’espace. Concerné en son entier, corps et esprit, il fait face à un espace ouvert à une confrontation avec lui-même, une invitation à l’introspection (introspicere, « regarder à l’intérieur »). En cela, « les paysages verticaux » peints par Emmanuel Van der Meulen, selon une belle formule de Gabriel Orozco, s’adressent, tout à la fois, à la vue et à l’invisible.

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