Une exposition, un événement
Avec Mieko Shiomi, Maria Eichhorn et Tim Etchells
Jeu de Paume, Paris, mai 2013
Commissaire : Mathieu Copeland
En 2007, le Jeu de Paume lançait sa programmation Satellite avec une ambition d’exigence et un certain sens de l’autocontrainte. À travers ce format rythmé par une invitation annuelle faite à un commissaire indépendant, l’institution parisienne s’imposait en effet d’ouvrir à la jeune création contemporaine ses « espaces interstitiels », des espaces dont l’occupation inédite par l’art promettait de susciter échanges critiques et décalages perceptifs. Las, leur questionnement n’a pas toujours été saillant.
La sixième et actuelle édition, confiée au commissaire Mathieu Copeland, renoue finement avec cette part de l’engagement initial. Après Une exposition parlée et Une exposition sans textes, Une exposition - un événement se concentre sur la nature de l’exposition en tant qu’événement, si impermanent et ténu soit-il. À peine visible sur le sol en béton ciré, une modeste flaque garde le souvenir d’une sculpture de glaçons formée des lettres de son propre titre. Fragile comme l’espoir et symptomatique de l’approche déceptive qui sous-tend l’exposition, Live Forever rejoue chaque jour le non-événement de sa liquéfaction. Aux murs, les Fight Posters du même artiste, Tim Etchells, également dramaturge et co-fondateur du collectif Forced Entertainment, énoncent en larges caractères noirs sur fonds fluorescents des situations de confrontations aussi violentes qu’absurdes entre deux groupes arbitrairement opposés.
Dans le cadre feutré de la mezzanine en surplomb, la présentation des œuvres de l’artiste Fluxus Mieko Shiomi, née en 1938, semble en écho surjouer le classicisme muséal. Les comptes rendus de deux des Spatial Poems qu’elle mit en œuvre et qui furent, entre 1965 et 1975, interprétés à son invitation par des complices du monde entier, véhiculent la mémoire de centaines d’events infimes et parfois simultanés. Ainsi, à l’image d’Une exposition à être lue présentée par Copeland quelques mois plus tôt, c’est du mot et de sa lecture que naît ici l’événement. Partitions de micro-actions historiquement réalisées ou énoncés performatifs pour scène mentale, les Spatial Poems de Shiomi tout comme les Fight Posters d’Etchells génèrent le mouvement en mettant à l’épreuve l’imagination du visiteur.
Maria Eichhorn est reconnue pour son travail de mise à nu et de subversion des mécanismes régissant la marche de l’institution. En 2001, invitée à exposer à la Kunsthalle de Bern, elle choisit de consacrer le budget qui lui est alloué à la réparation de l’édifice au délabrement apparent. Entrée gratuite, distribution aléatoire par le logiciel de billetterie du Jeu de Paume d’entrées donnant accès à l’ensemble des expositions en cours, interroge dans cette lignée et de manière très concrète le mode d’apparition de l’art. Plus proche de la clandestinité que du spectaculaire, l’œuvre est une situation mise en scène qui se réalise dans le temps. Non-événement à la discrète puissance, elle se glisse entre le total pour donner place à des écarts. Soit au plus près de la définition de ce qu’est un interstice.
In Artpress.com, 2013
Mathieu Copeland
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