David Douard, Animorphs


Les Églises, Chelles, décembre 2013


Commissaire : Eric Degoutte

Le souvenir de quelques notes au piano répétées en boucle vous accompagne longtemps après votre visite. Animorphs, l’exposition de David Douard aux Églises de Chelles, baigne dans l’atmosphère enchanteresse d’une mélodie extraite de la bande sonore d’un opus du jeu vidéo Final Fantasy.

Si la charge expressive du travail de cet artiste né en 1983 et diplômé des beaux-arts de Paris paraissait difficile à appréhender dans de précédentes expositions de groupe, les invitations personnelles dont il bénéficie depuis l’an passé en révèlent toute l’ampleur. À Chelles, son occupation maîtrisée de l’espace des deux églises mitoyennes devenues centre d’art forme un environnement dont la découverte est progressive, scénarisée. Ainsi de la première église, où la circulation est contrainte par des pans grillagés, et où l’abaissement du grand gril métallique dédié au dispositif d’éclairage sature radicalement l’espace.

L’ensemble, foisonnant, est un monde au fonctionnement autonome et au charme glaçant. Une chaînette heurte une tour de contrôle – allumée – à chaque rotation de la structure à laquelle elle est reliée, manége mécanique agglomérant sous un badigeon de plâtre des morceaux de cage et de jouets d’enfants, des clous rouillés et des mégots écrasés. Quelques roses artificielles aux longues tiges s’échappent en divers endroits. Plus loin, trois moniteurs superposés font face à un canapé défraîchi. Sur les écrans, la même captation répétée d’une jeune femme en plein tchat dont l’image est progressivement recouverte de formes conçues avec un logiciel de modélisation 3D. Plus loin encore, d’autres sculptures érigées, suspendues ou à terre, assemblages hybrides d’où émergent parfois des éléments anthropomorphiques sexués (rondeurs, ongles factices). Partout ou presque, des encombrements de fils électriques, des planches plâtrées aux surfaces grattées, raturées, des bribes de textes collés ou diffusés sur écrans. Dans une lignée possible du cut-up burroughsien, ces éléments textuels s’entrechoquent comme autant de messages cryptés. Certains mots font directement référence à Animorphs, série fantastique de la fin des années 1990, littéraire puis télévisée, qui donne son titre à l’exposition, et dont l’intrigue repose sur les métamorphoses animales d’adolescents courageux.

David Douard semble avoir fait sienne la nécessité du chaos comme condition de création. Ses oeuvres naissent des rapprochements opérés entre divers matériaux réunis dans son atelier, de la conjugaison des imprévus et des accidents. Ce sont des assemblages symboliquement investis d’un souffle vital, mais qui seraient rongés de l’intérieur par une maladie virale. Mutants et vulnérables, ils ne sont pas loin de l’âge adolescent convoqué par l’artiste ; cet état transitoire où la métamorphose du corps se double de la fusion des influences extérieures, aujourd’hui fortement médiatisées, en une personnalité propre.

In Artpress.com, 2013

David Douard


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