Communiqué de presse - Dave Hardy, Neck Pillow


Galerie Christophe Gaillard, Paris, avril 2017


Les sculptures de Dave Hardy procèdent de l’assemblage abstrait de matériaux industriels pour partie réemployés (pains de mousse polyuréthane, plaques de verre, barres métalliques...) et d’objets hétéroclites (stylos, boudins de pâte à modeler, bretzels, noix de coco...). Imbriqués les uns dans les autres, ceux-ci composent des structures autonomes de différentes tailles qui paraissent déroger aux principes élémentaires de l’équilibre et de la gravité, avec l’emphase des formes impossibles. Selon un jeu où les contradictions dictent la règle, ses œuvres offrent leurs aberrations plastiques au prix d’un long travail préalable de la matière, d’un ensemble de gestes visant à faire tenir ensemble des éléments qu’a priori tout oppose, ou presque. Une large part de la manière de faire repose ainsi sur un processus rendu invisible. Engagé dans un corps à corps intense, Dave Hardy imbibe la mousse de ciment ; gorgée de liant, celle-ci est malaxée, manipulée en autant de plis voluptueux dont des exosquelettes de bois sont chargés de conserver la mise en forme, avant d’être retirés. Panneaux de verre et objets sont ensuite pressés et insérés dans la matière pendant sa rigidification, gage de la tenue finale de l’ensemble.

De par leur forte présence matérielle, ses sculptures aux matériaux conjoints, agrégés en d’improbables contorsions, invitent le visiteur à se mesurer à elles, à en détailler les rapports de proportions, mais surtout, et essentiellement, les forces divergentes. Visiblement à la limite de l’équilibre, entre précarité et technicité, transparence et opacité, souplesse et densité, brutalité et fragilité des matériaux, elles mettent en scène de multiples tensions et suscitent un sentiment de menace. La question d’un possible accident, indissociable de leur perception, éveille un sentiment de l’ordre de l’angoisse, la crainte viscérale d’une brisure du verre à venir. Le travail de la matière mousseuse, dont les replis complexes sont semblables à des formes organiques, n’est pas étranger à cette réception empathique, d’autant que certaines silhouettes sculpturales apparaissent vaguement anthropomorphiques, voire totémiques. De là à penser que celles-ci, par la force énigmatique qu’elles dégagent, manifestent l’intuition de leur destruction imminente, il n’y aurait qu’un pas. Tapie, l’entropie guette, et il ne fait pas de doute que la fixation, si solide soit-elle, ne durera pas éternellement : reposant sur un savant dosage de pressions, la stabilité générale est vouée à dangereusement osciller le jour où l’amalgame de ciment et de mousse montrera ses premiers signes de faiblesse.

La symbolique des matériaux travaillés par Dave Hardy est loin d’être neutralisée par sa recherche formelle. Si les titres de ses œuvres conservent leur part de mystère quant à leur provenance et au sens qu’ils peuvent apporter, la présence récurrente d’objets disparates apporte une familiarité réconfortante et des touches d’humour bienvenues. Car nous ne serions dissocier le réemploi de certains matériaux industriels, porteurs des histoires de leurs précédents usages, du contexte global d’un monde au bord de la saturation, rejoignant en cela le sentiment d’une défaillance… généralisée.

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Christophe Gaillard


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